Chroniques

The Lost City Of Z
Intime idée


Par Hubert Charrier 21/04/2017

Fascinant dès les premiers instants, The Lost City of Z abrite la force immédiate des grands classiques, ceux qui traversent les années sans ride. Pas d’esbroufe ici, tout s’équilibre, chacun apportant une pierre évidente à la réalisation d’une œuvre précieuse, un voyage initiatique vers une cité perdue, chimère transcendante. Dans cette entreprise, sans élever la note, Christopher Spelman sert admirablement le propos d’un James Gray plus audacieux que jamais.

En suivant les pas de l’explorateur Percy Fawcett, en nous trainant dans les profondeurs des forêts amazoniennes, James Gray prenait un vrai risque. Loin de sa ville, de son soufre, loin de New-York, une nouveauté pour un réalisateur qui avait bâti son univers autour de cette grosse pomme. Maitrisant parfaitement chaque recoin de ce pré carré, il pouvait librement s’attacher à tisser les toiles de ses récits intimistes, des destins d’une famille explosée (La nuit nous appartient) aux affres d’un fils torturé (Two Lovers). Loin de ses terres, son cinéma semble étonnamment transcendé, universel et apaisé. L’effet Percy Fawcett.

Au service de l'image

Cette sublime quiétude contamine la musique de Christopher Spelman, déjà à l’oeuvre sur The Immigrant. Ici, il ne s’agit pas d’apporter lyrisme ou grandeur, comme avait pu le faire Morricone sur Mission, mais plutôt d’accompagner le périple et le cheminement de l’explorateur, rester au plus près de cette intimité. Pour y parvenir, Spelman choisi deux approches. L’une, impalpable, suit les multiples voyages de Fawcett en Amérique du Sud, l’autre plus mélodique et formelle, souvent mélancolique, correspond aux départs, attentes et retours de notre explorateur.

Pour voguer le long de cet interminable Amazone (Onto the River, Source of the Verde River, Crossing the River), le compositeur décide d’approcher au plus près les éléments, l’eau, l’air et la terre. Flûtes, percussions et nappes profondes, on suit le cours d’un fleuve, son rythme sourd mais palpable, c’est le cœur de cet album, débuté et terminé par des chants d’oiseaux (The Lost City of Z, The Final Journey). À l’opposé, les retours de Fawcett en Angleterre sont d’une parfaite sobriété. Quelques notes à la harpe et ce thème au violoncelle pour illustrer la mélancolie et le déchirement de notre aventurier (The First Goodbye, Homecoming, In the Hospital), une fanfare à la Nino Rota (The Grenedier’s Welcome) ou une partie de chasse au Bagpipe (The Hunt).

Indispensable travail de l’ombre, The Lost City of Z démontre tout le talent et la dévotion de Christopher Spelman. En retrait mais jamais effacé, le musicien est au diapason d’un James Gray au sommet et à la sortie de cet immense film, il serait dommage de ne pas se replonger dans sa musique. Elle se dévoile au fil des écoutes, nous apaise et nous guide pour un voyage ésotérique. 

The Lost City of Z, bande originale de Christopher Spelman, à retrouver sur les plateformes digitales.