Blade Runner 2049
Si tu t’appelais mélancolie
Beaucoup s’interrogeaient, à la nomination de Denis Villeneuve, sur le sort réservé au score de Blade Runner 2049, promis logiquement à Jóhann Jóhannsson. Difficile d’imaginer les expérimentations de l’Islandais s’accorder au style affirmé et aérien de Vangelis, moteur essentiel de l’œuvre originale. Une perplexité contagieuse qui poussait le réalisateur à évincer, à la hâte, quelques semaines avant la sortie du film, son compositeur fétiche. À l’écoute, la direction donnée par le musicien ne semble pourtant pas entièrement écartée et l’on se retrouve ici avec un score hétéroclite, à la croisée d’une triple influence.
L’univers foisonnant bâti par Ridley Scott et ses équipes n’aura pas résisté bien longtemps au style épuré de Denis Villeneuve. Dans Blade Runner 2049, le réalisateur de Arrival et Enemy imprime une patte à l’opposé du film original, la froideur de la mise en scène appuyant le propos dystopique de l’histoire. Un choix radical qui chasse d’un revers de main le romantisme noir du long métrage de 1982 et qui aurait donc du balayer, par là même, toute référence au score hybride et hypnotique de Vangelis. C’est pourtant un retour aux sources qui motive le canadien à convoquer, dans l’urgence, Hans Zimmer et son protégé, Benjamin Wallfisch.
Un score entre trois chaises
D’abord appelé en renfort, le duo s’affirme rapidement, au point de pousser Villeneuve à annoncer, non sans regret, le retrait de Jóhannsson, malgré de longs mois sacrifiés au projet. S’il n’est pas crédité, son travail semble et c’est logique, irriguer quelques pistes de l’album. Les percussions de Flight to LAPD et les saturations de Hijack ne sont pas très lointaines de The Border et The Beast, deux morceaux de Sicario. Le travail sur les voix et certaines sonorités de Wallace rappellent, dans un autre registre, le très marqué Arrival, tout spécialement Principle of Least Time.
Fort de cette base, Zimmer et Wallfisch tirent sur l’héritage de Vangelis en cultivant tout le travail de réverbération, cher au musicien grec. Sapper’s Tree, Memory ou Someone Lived This répondent au cahier des charges imposé, sans génie mais avec efficacité. C’est en poussant un peu le curseur que les deux compères se montrent convaincants. L’introductif 2049 est une mise en place réussie et Rain un écho sensible et lointain du culte Tears In the Rain. En réexploitant les sonorités uniques et glissantes du synthétiseur Yamaha CS-80, Mesa est sans conteste l’hommage le plus franc et direct à l’univers de Blade Runner. C’est aussi le morceau le plus remarquable. Une patine qu’on aurait souhaité retrouver davantage.
Car le mélange ne prend pas toujours de manière très élégante. Le discours de Zimmer, à grand renfort d’infrabasses assommantes, ne tient pas ici et vient parasiter, en premières minutes, Sea Wall et Blade Runner, les deux plus longues plages de l’album. À vrai dire, on sort de là un peu sonné, sans avoir renoué vraiment avec cette mélancolie si précieuse. Le Love Theme, écho suave d’une tension érotique impossible entre Rachel et Deckard, le Blade Runner Blues, autant d’émotions malheureusement évaporées. Une alchimie rare entre image et musique qui définissait alors le caractère poétique et culte de l’œuvre.
Blade Runner 2049, bande originale de Benjamin Wallfisch et Hans Zimmer, à retrouver en physique, chez Epic.