Casse-Noisette
L’alchimiste
Dernier des trois ballets de Piotr Ilitch Tchaikovsky, Casse-Noisette reste, au même titre que ses grands frères, une étape incontournable de la période romantique. Regorgeant de passages sublimes, la pièce vaut notamment pour son pas de deux et la danse de la Fée Dragée, première apparition majeure du Célesta dans le répertoire classique. Un point loin d’être anecdotique si l’on s’attarde, par la suite, sur l’emploi de l’instrument, notamment dans la musique de film.
En s’attelant à l’adaptation du conte d’Hoffmann, James Newton Howard s’imaginait bien qu’il devrait, dans son travail, incorporer l’œuvre du Russe. Un défi excitant et entièrement dans les cordes d’un habitué du fantastique et des contes (Peter Pan, Blanche-Neige et le chasseur, Maléfique), opérant encore, il y a quelques mois, sur une ouverture de ballet hypnotique (Red Sparrow). Restait une inconnue, laisserait-on au compositeur la latitude nécéssaire pour imposer son univers et insuffler à sa partition une réelle originalité ?
Philtre d'amour
Malgré ce qu’augurait la première piste de l’album, reprise directe de l’ouverture du ballet, James Newton Howard ne donne, par la suite, jamais l’impression de dissocier sa création du Casse-Noisette de Tchaikovsky. Au contraire, c’est en grand connaisseur de l’œuvre et avec malice que le compositeur intègre les passages de la pièce à sa partition, les diluants ad libitum jusqu’à tisser finalement un seul et même univers cohérent. Illustration de cette osmose, Clara’s New World, où l’air de la Fée Dragée introduit un des grands thèmes du film, avant de partir, à 2:28, vers une autre citation, La forêt de sapins en hiver. Au delà de la simple utilisation, c’est dans l’appropriation que transpire surtout l’amour d’Howard pour le génie du Russe.
Que les inconditionnels se rassurent, The Nutcracker and the Four Realms sort d’un moule tout à fait familier. Dans la gestion des chœurs, la mise en avant des bois où les incursions au piano, il se dégage de l’album une approche du féérique propre à Howard et commune à de nombreuses partitions, Maléfique en tête. On s’amuse d’ailleurs de quelques clins d’œil, celui à la saga Hunger Games dans les dernières secondes de Mouserinks reste parmi les plus savoureux, mettant en exergue l’inspiration d’alors. Un matelas moelleux qui n’interdit pas quelques tentatives. En écho à ce monde des jouets, Sugar Plum and Clara introduit, par exemple, un automatophone parfaitement à propos et un peu plus loin, The Polichinelles pourrait presque rejoindre certaines compositions détraquées de Danny Elfman.
Finalement, il est presque souhaitable de découvrir le score loin d’une salle de cinéma. Très oubliable, alourdi par le jeu irritant de Keira Knightley, ce nouveau Disney ne vaut que pour ses deux magnifiques scènes de ballet. La première est une mise en abyme splendide, jetée en pâture à Clara, la deuxième, tout en jeu d’ombres, clôture très joliment l’aventure. Admirable travail d’alchimiste, ce Casse-Noisette mérite toute l’attention des amoureux de James Newton Howard et de Piotr Ilitch Tchaikovsky. À quelques jours de Noël, au pied des sapins verts, il devrait même séduire plus largement, petits et grands.
Casse-Noisette et les Quatre-Royaumes, bande originale de James Newton Howard, à retrouver en physique chez Universal Music.