It
La nouvelle dimension
Dans l’étroite boutique des horreurs, Benjamin Wallfisch s’est offert, en deux petites années, une place de choix au côté des têtes de gondole, McCreary et Velasquez. Lights Out, le gothique A cure for Wellness ou tout dernièrement Annabelle : Creation, nouvel opus de la saga Conjuring, l’anglais a multiplié les expériences, tout en affirmant, l’air de rien, un style bien singulier. En s’attachant les services du compositeur pour l’adaptation du roman de Stephen King, It, Andres Muschietti assurait ses arrières.
C’était le temps des téléviseurs cathodiques et des enregistrements VHS, passés sous le manteau, en douce, à l’ombre du préau. Malgré une qualité toute relative, le téléfilm It a laissé une trace indélébile dans l’esprit de nombreuses têtes blondes et gagné, au fil des années, ses galons de film générationnel. C’est peu dire que son remake, près de 30 ans plus tard, était attendu de pied ferme. Surfant sur le phénomène Stranger Things, deux acteurs de la série figurant d’ailleurs au casting, on pouvait légitimement craindre le produit prémâché pour un public à la nostalgie maladive.
Les contours du style Wallfisch
Musicalement, ce retour à l’époque du mulet et du Benco se traduit bien souvent par un excès de synthétiseur et de musique électronique. Un chemin que Wallfisch ne souhaite pas franchement emprunter, lui qui désire rendre un véritable hommage aux films Amblin et aux scores orchestraux de sa jeunesse, ceux de Goldsmith, Williams et Silvestri. La jolie ouverture Every 27 years, introduite par la comptine anglaise Oranges and Lemons, permet la mise en place de plusieurs éléments abondamment exploités. D’abord ces deux phrases: « Oranges and lemons, say the bells of St. Clement’s. You owe me five farthings, say the bells of St. Martin’s ». Manipulées, accélérées ou saturées, elles viennent investir les pistes et accompagner les apparitions brutales et traumatisantes de Pennywise (Georgie Meet Pennywise, Egg Boy, Saving Mike, Shape Shifter…).
L’équilibre trouvé entre apports mélodiques et expérimentations sonores donne une vie à la composition et évite à celle-ci de sombrer dans une inconfortable monotonie. Avec Georgie, le frangin au ciré jaune, et Derry, théâtre de l’aventure, la solaire Beverly, seule fille de la bande, est l’autre attraction importante, une fascination et un apaisement pour le groupe, musicalement soulignés par un piano tendre et des nappes chaudes (Beverly, January Embers, Kiss). Dans l’instrumentation et le développement, d’autres morceaux rappellent indéniablement A Cure for Wellness, par l’apport des voix ou l’utilisation du trémolo (Return to Neilbot, He Didn’t Stutter Once, Saving Beverly).
Un peu gourmand avec 38 pistes et 87 minutes au compteur, l’album aurait tout de même gagné à être sabré de quelques titres superflus et redondants. Jouant sur des codes maitrisés mais pas toujours très originaux, le compositeur tisse toutefois un score solide dans la lignée de A Cure for Wellness. Moins hypnotique sans doute, moins foutraque aussi, It définit plus clairement les contours du style Wallfisch et confirme la nouvelle aura du musicien de Remote. Pour lui, une bien belle année 2017.
It, bande originale de Benjamin Wallfisch, à retrouver en physique chez Water Tower Music.