La Vengeance de Salazar
Capitaine abandonné
Sillonnant les mers, le monde pour terrain de jeu, le cap’tain Jack Sparrow continue de piller les poches de spectateurs borgnes, lorgnant sur son butin autour d’un vieux rhum. Oui, le Black Pearl vogue à toutes voiles et pourtant les cales sont pleines de flotte, entraînant le navire vers les fonds. Après l’imbuvable Fontaine de Jouvence voilà que débarque Salazar pour un épisode tout aussi poisseux et plus de Zimmer cette-fois, c’est le bleu Zanelli qu’on envoie à l’abordage.
Une excellente trilogie, voilà ce que Pirates des Caraïbes aurait du rester car depuis le départ de Verbinski, chaque épisode souille un peu plus l’univers d’origine. Symbole de cette dérive, le gaillard et pétillant Jack Sparrow, devenu au fil du temps aussi ennuyeux qu’un briquage de pont. « Au moins, on vous a parlé de moi », nous rétorquerait l’animal. Certes, sauf que la magie n’opère plus, le pirate au compas n’est plus qu’une vielle relation frelatée et ses aventures autrefois trépidantes ne sont désormais qu’un recyclage éhonté. Membre de l’équipage Remote Control, Geoff Zanelli à la lourde tâche de rallumer la mèche musicale et de faire péter la sainte-barbe. Pas un cadeau.
Ohé, du bateau !
Pour une moitié d’album, une moitié de note ? Cruel pour le pauvre Zanelli, sûrement victime des exigences de la maison mère et d’un cahier des charges bien plus épais que le code des pirates. En quatre épisodes, Zimmer a si bien défini les contours de la franchise qu’il en devient difficile de s’en dépêtre. Le plus symptomatique, ce thème, Salazar, reprenant l’orchestration chargée de The Kraken ou Blackbeard, sans jamais trouver la finesse nécessaire, ces quelques secondes qui font basculer un morceau. Éparpillé un peu partout dans l’album (The Devil’s Triangle, The Power of the Sea), le violon boosté à l’ampli devrait laisser quelques traces et des envies violentes d’aspirine.
Le pire reste l’utilisation intempestive du matériel d’origine, ressorti ici à la moindre occasion, autant dire sur presque la moitié des pistes et rarement de manière très subtile (The Dying Gull, She Needs the Sea, My Name is Barbossa). Mention spéciale à El Matador del Mar et cette reprise à mi-parcours du thème de Jack Sparrow, aussi creuse et sans âme que l’affreux rajeunissement numérique du personnage.
Reste que tout n’est pas à jeter dans La vengeance de Salazar, l’album abrite de brefs moments d’accalmie avec notamment la belle ouverture Dead Men Tell no Tales ou le joli The Brightest Star in the North, utilisation enfin intelligente de l’héritage Zimmer. Trop peu pour sauver du naufrage un album qui s’achève une fois de plus par un remix infâme, justifiant à lui seul l’extermination de la franchise. Avec 700 millions de dollars dans les caisses, ce n’est sûrement pas pour tout de suite. Pirates !
Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar, une bande originale à retrouver en physique chez Walt Disney Records.