Le Bon Gros Géant
Guess who’s back ?
Malgré d’énormes pieds, Le Bon Gros Géant (BGG) n’aura laissé qu’une fugace empreinte sur le box-office estival. « Inconséquent », « laid », « plus mauvais film de Spielberg », si tout n’est pas parfait, force est de constater que nous ne partageons pas l’avis de nombreuses critiques acerbes. Fabuliste moderne, Spielberg se jette avec plaisir dans une histoire naïve mais jamais mièvre, jouant malicieusement avec la mise en scène, le rythme, les échelles. Parmi les nombreuses qualités du film, difficile de soustraire l’apport de la musique. Et quel bonheur de savoir intact l’enthousiasme de John Williams, encore au sommet de l’Olympe, à plus de 84 ans !
Efficace et admirablement écrite, la partition de Star Wars : Le réveil de la Force avait laissé planer, en décembre dernier, l’ombre d’un horrible doute. John Williams pouvait-il perdre cet indéfinissable rien. Après tant d’années, qui pourrait reprocher une certaine lassitude chez un compositeur qui n’a plus rien à prouver. Dans tous les domaines, Star Wars manquait de générosité, trop propre sur lui, pas sans âme mais rigoureusement pesé. Côté pupitre, le superbe thème de Rey ne masquait pas une partition trop attendue et forcément il n’en fallait pas moins pour qu’on y voit la fin d’un règne. Homme de peu de foi.
Flûte de flûte
Avec Le Bon Gros Géant, John Williams retrouve ce qu’il semblait avoir délaissé, son sens de la narration. La bande originale s’écoute comme on dévore un livre, chaque note, chaque instrument, chaque variation construit un peu plus le récit et permet à ce rêve de prendre corps. Les rêves sont d’ailleurs le cœur de notre histoire puisque ce gentil géant en souffle la nuit tombée, aux enfants endormis. Signifiés dans notre partition par une flûte, Williams fait de l’instrument et donc des rêves le moteur de sa trame. Insaisissable, légère, virevoltante, la flûte imbibe l’album sans une once de lourdeur. Dream Jars, piste centrale en est d’ailleurs l’exploitation la plus manifeste. Sur un morceau de trois minutes trente, les deux premières reposent sur ce seul instrument, il fallait oser.
Loin du calcul froid, le musicien renoue ici avec la chaleur des compositions d’antan et les thèmes de prédilections, l’enfance et l’imaginaire. Pas étonnant dès lors qu’on trouve à ce BGG des airs de Hook ou Harry Potter, ils sortent d’un même terreau fertile. Dans ce sens, l’Ouverture, avec son introduction à la harpe, sa flûte et ses grandes envolées est une invitation sans préambule au voyage et à l’émerveillement. Et très vite, Williams se cale avec brio sur le tempo de Spielberg. Dans To Giant Country, on traverse avec bonheur un Londres endormi et la campagne anglaise, au rythme des sauts du mystérieux géant. Un peu plus tard, Snorting and Sniffing nous dissimule aux yeux de vilaines trognes, un cache-cache musical où les flûtes échappent au regard des bassons. Avec la musique, l’image s’imprime au fer rouge et chaque titre s’arc-boute autour d’un imaginaire riche et généreux.
Le Bon Gros Géant n’est en rien une surprise et les amateurs de John Williams seront, sur ces vertes plaines, en terrain conquis. Pourtant, ce n’est pas la facilité qui guide la baguette du maestro et le plaisir transpire à chaque note. On aurait peut-être souhaité un thème un peu plus noir ou enlevé pour des géants un poil idiots, moins proche du thème de Crochet, qu’on retrouve ici par bribes. Mais que les pinaillages ne ternissent pas notre jugement, John Williams reste ce bon gros géant.
Le Bon Gros Géant, une bande originale à retrouver sur notre radio et sur le label Walt Disney Records.