Chroniques

Mary Queen Of Scots
Parures royales


Par Hubert Charrier 29/03/2024

Fascinant et tragique destin, en tout point shakespearien, que celui de Marie Stuart. Souveraine d’Ecosse à six jours, expatriée à six ans, reine de France à dix-sept, la rivalité avec sa cousine Elisabeth d’Angleterre nourrira l’imaginaire des siècles suivants, des lieder de Robert Schuman à la biographie de Stefan Zweig, sans oublier le To France de Mike Oldfield et Maggie Reilly.

Logiquement, le cinéma s’empare de cette vie extraordinaire et, dès 1908, les adaptations fleurissent. Après John Ford ou plus récemment Charles Jarrott, c’est au tour de l’anglaise Josie Rourke de proposer son Mary Queen of Scots, vision sublimée par le charisme lumineux de Saoirse Ronan et la rigidité froide de Margot Robbie. Si les personnalités s’opposent, c’est une même couronne écrasante qui pèse sur ces jeunes têtes, deux femmes au sommet d’un système patriarcal. L’émancipation, un lien fragile, vite parasité par les ambitions d’aristocrates fourbes, mais une source nourricière évidente pour la bande originale de Max Richter.

La femme, le salut du monde

En allant puiser son inspiration dans Zadok the Priest, un des quatre hymnes du couronnement d’Haendel, le compositeur habille d’emblée Mary Queen of Scots d’une certaine majesté. Le thème ample et élégant porte pourtant, dès la première seconde, le destin tragique de la reine, musicalement signifié par la grosse caisse. Le ton vite donné, Max Richter apporte une réelle variété dans son travail, créant une synergie remarquable, soulignant les idées de mise en scène de Rourke, la photographie de John Mathieson ou la somptuosité sauvage des paysages écossais.

Dans The Poem, pour accompagner le jeu de séduction de Lord Darnley, déclamant quelques vers, la composition offre une facette plus intime avec un joli travail sur les harpes, passant de l’instrument de concert à sa version celtique. Darnley’s Visit permet, lui, de mettre en lumière le cor anglais et d’extirper du thème principal ses inclinaisons romantiques. Si l’on pousse un peu le travail d’appropriation de la musique d’Haendel, on pourrait retrouver également une certaine proximité avec sa célèbre sarabande, notamment sur le morceau Rizzio’s Plea, annonçant un virage dans la destinée de Mary Stuart.

Moderne et pourtant classique, Mary Queen of Scots reste avant tout une composition de Max Richter. L’on reconnait un certain minimalisme et un soin apporté à la progression du discours musical, avec de très belles et puissantes montées, comme Outmaneuvered, placé en fin d’album mais situé paradoxalement en ouverture du film. Du néant naît la lumière et l’intelligente connivence entre l’image et la musique permet de clôturer l’écoute le cœur léger avec Finale. En apportant son savoir faire, trouvant un juste équilibre entre son style et un lyrisme étoffé, l’allemand répond avec brio au défi de Josie Rourke et signe indéniablement l’une de ses plus belles bandes originales. Une bien jolie couronne.

Mary Queen of Scots, bande originale de Max Richter, à retrouver en physique chez Deutsche Grammophon.