Chroniques

Outlander (Saison 2)
Baroque & Roll


Par Hubert Charrier 07/11/2016

Du sang, de la fesse et du kilt, il faut bien avouer que le bout de lard relevait déjà joliment la soupe, ne manquait qu’un rien pour basculer, sans retenue, dans la romance Claire Beauchamp – Jamie Fraser. Ce rien, c’est l’une des plus enthousiasmantes bandes originales de ces dernières années, avec du biniou, c’est vrai, mais pas que.

Du champ de bataille aux Highlands, Bear McCreary a trouvé avec Outlander une source intarissable d’inspiration, donnant le souffle épique nécessaire à cette virée écossaise, transcendant la photographie léchée et se reposant avec mesure sur une romance doucement mièvre. Fébrile et impatient, nous attendions donc de poser nos oreilles sur une deuxième saison, se jouant cette fois, en partie, loin des vertes plaines. C’est après une partie de jambe en l’air douloureuse mais déjà légendaire que nous laissions Claire et Jamie voguer vers la patrie des Lumières. Désormais sur Paris, notre couple tente de s’attirer les faveurs du Roi Louis XV et de ce coquebin de Charles Stuart. Un rebond scénaristique que McCreary s’empresse de saisir pour s’engouffrer sans réserve dans la brèche et ça, dès le générique, devenu hybride et finissant par une version française de The Sky Boat Song, sauce musique de chambre. Cette incursion structure d’ailleurs la première partie de l’album en laissant une place de choix aux cordes (notamment clavecin et viole de gambe) et à la citation.

Exploration audacieuse

Lully, Rameau, Charpentier ou Marais, Bear McCreary s’approprie avec plaisir et malice la musique baroque, contemporaine au récit. Jouant simplement sur les rythmes dans un premier temps avec Versailles et sa reprise intégrale de la fameuse Marche en rondeau de Charpentier, le musicien ose petit à petit, l’exploration audacieuse, mêlant les sonorités folkloriques aux mélodies de ces prestigieux maîtres. Un glissement accompagnant le cheminement du couple, qui étape par étape, avance ses pions sur l’échiquier français. À ce jeu, les deux morceaux les plus riches de ce premier acte sont, sans aucun doute, Baroque Chess Match et surtout The Duel. Ici, Bear McCreary transforme intégralement une musette de Marin Marais (dénichée dans Pièces de Viole, livre IV) à coup d’ostinati et avec l’aide du bodhran, percussion qu’il affectionne tout particulièrement. La simple mélodie devient une course étouffante, escalade dramatique vers une mort possible.

Et revoilà The Skye Boat Song, cette fois-ci, version Jacobite. Le tambour, la présence forte du bagpipe, la deuxième partie d’album sera martiale, patriotique et saignante. Pour ce qui est de la patrie, McCreary décide de s’appuyer sur la voix de Griogair Labhruidh, chanteur gaélique et MC de son état. En résulte deux pistes exceptionnelles. Je suis Prest est une ballade évolutive s’étalant sur près de quatre minutes, d’abord mélancolique avec la voix et la flûte, ensuite romantique par le soutien des cordes et enfin militaire grâce à l’apport de la cornemuse et des percussions rapides. L’autre morceau, Moch Sa Mhadainn, est un incontournable. À grand renfort de bodhran, avec le soutien d’un chœur et l’aide de l’historien John Purser, notre compositeur redonne vie à une chanson traditionnelle tout en l’amenant à ses desseins, capturant l’essence même d’une culture et d’une époque. Brillant travail de recherche, d’arrangement et de composition, Moch Sa Mhadainn, une preuve d’amour concrète de Bear McCreary pour cette ambitieuse épopée.

Mais difficile de s’arrêter là tant l’album est une succession de réussite. White Roses of Scotland, Destiny on Culloden Moor ou encore l’épique et fantastique final A Fraser Officer Survived, Outlander : Saison 2 est un road trip musical et temporel unique, un rendez-vous qu’aucun amoureux de la Musique ne devrait manquer. En 2016, on ne fait pas mieux. En 2017, il y aura une saison 3. Aye.

Outlander : saison 2, une bande originale à découvrir sur notre radio et à retrouver, en physique, chez Madison Gate Records