Chroniques

Thor Ragnarok
Point trop n’en faut


Par Hubert Charrier 21/11/2017

Malgré une créativité à bout de souffle, le cinéma super héroïque continue, sans flancher, d’engranger les dollars et effacer, un par un, les records du box-office mondial. Wonder Woman, Spider-Man : Homecoming, Justice League et Thor : Ragnarok, l’année n’a pas manqué de pif et de paf à défaut d’un grand shoot d’originalité. Survendu jusqu’au bout des ongles avec sa campagne fluo et son trailer alléchant, les dernières aventures du puissant fils d’Odin nous promettaient une virée sur les terres de Sakaar, planète bigarrée sous la poigne d’un Jeff Goldblum halluciné.

Dans ce monde rétro, fruit de l’imagination du décorateur Dan Hennah, son groupe Devo n’aurait surement pas dénoté, ornés de pots de fleurs rouges et de costumes jaunes pétants. Mark Mothersbaugh a pourtant délaissé ses fripes pour enfiler sa cape plus commune de compositeur. Un seul objectif en tête pour Thor : Ragnarok, pondre une bande originale iconique et identifiable et ainsi mettre un terme à la polémique des compositions interchangeables initiée par la vidéo The Marvel Symphonic Universe. À dire vrai, Marvel n’avait pas attendu l’arrivée de Mothersbaugh pour apporter une fraîcheur à ses blockbusters, Michael Giacchino amorçant joliment le virage sur deux des dernières productions maison, Doctor Strange et Spider-Man : Homecoming.

Mauvaise parodie

D’un point de vue purement thématique, Mothersbaugh tient le pari avec un réjouissant Ragnarok Suite, fière et copieuse ouverture de neuf minutes. Le motif de ce nouvel opus à tout le loisir de s’y développer, le compositeur en proposant moult variations, des nappes synthétiques aux puissants et héroïques cuivres. La version la plus rutilante s’écoute deux pistes plus loin sur l’électrique Thor: Ragnarok. Les plus attentifs ne manqueront d’ailleurs pas de noter l’intégration à cette mélodie des premières notes du thème de Brian Tyler pour The Dark World.

Très vite, sans surprise, l’électronique prend le pas et Where am I ? annonce un déferlement que n’aurait pas renié Jean-Michel Jarre. Le travail est propre, parfois même séduisant, comme Arena Fight et ses cascades sonores sorties tout droit de la Super NES ou le survitaminé The Revolution has begun. Pourtant, à trop titiller le diable et son anus, le musicien finit par saborder son travail et le score s’enfonce dans le ridicule. Planet Sakaar, Parade et Grandmaster Jam Session balayent allègrement les plaisirs précédents et parodient le genre là où il aurait fallu se l’approprier.

La machine se dérègle, le ton ne colle plus, enfin si, colle trop bien et Where To ?, reprenant les notes de Patrick Doyle, vient nous rappeler violemment tout ce qui fait défaut ici. A force de prendre le genre à la légère et faire de leurs héros des anti-héros, rois du cool et de la déconne, Taika Waititi et Mark Mothersbaugh en oublient toute force romanesque, réduisant les actions héroïques à de simples blagues potaches. En voulant surfer sur le terrain des excellents Gardiens de la galaxie, le film y perd beaucoup de son âme et banalise le gigantisme de son sujet. Reste une bande originale pas inintéressante, avec un thème certes, mais bien trop attendue et parfois surtout vilainement tartinée. Un coup de marteau dans l’eau.

Thor : Ragnarok, bande originale à retrouver en physique chez Hollywood Records.