Chroniques

War For The Planet Of The Apes
Ave César


Par Hubert Charrier 25/04/2024

En 2014, fort des solides bases posées par son prédécesseur Rupert Wyatt, Matt Reeves insufflait au reboot de la saga culte, La Planète des Singes, une tout autre profondeur. Une trame plus fine, l’évolution galopante de la CGI et une ambition cinématographique rehaussée métamorphosaient l'honnête ouvrage en grande fresque. Trois ans plus tard, dans War for the Planet of the Apes, le réalisateur prolonge l’aventure et retrouve un César, blanchi par les années, rongé par les remords mais plus que jamais sublimé, lui et ses pairs, par la musique de Michael Giacchino.

Sans doute un peu trop propre et sage sur le sujet, Matt Reeves abandonnait, dès Dawn of the Planet of the Apes, l’option Patrick Doyle. Une riche et profitable décision pour Giacchino qui signait à cette occasion l’une des meilleures partitions de sa carrière, jamais trop loin du sauvage chef-d’œuvre de Goldsmith, mais à distance nécessaire pour apposer une singulière empreinte. Moins abrupte, plus proche et sensible, la musique participait, au-delà du remarquable travail de synthèse, à donner chair à ces singes. Pour ce dernier volet, plus que jamais recentré sur César, les étouffantes forêts laissent place aux vastes étendues. D’un coup de baguette, c’est toute la bande originale qui s’aère.

Un nouveau cap

À mi-chemin entre Predator et Platoon, l’excellente ouverture du film permet à Giacchino de renouer avec le sel du travail de Goldsmith, déjà exploité à merveille sur Dawn of the Planet of the Apes. Apes’ Past is Prologue et Assault on the Earth, deux plongées angoissées dans le quotidien de cette éprouvante guerre, dans le souffle chaud de l’action. Outre les choix d’instrumentation, c’est dans l’installation de la tension que le rapprochement est parfois troublant avec le score de 1968. L’on renoue, dans la lunette de ces soldats, avec cette peur qui nous habitait à la vue des primates.

Pourtant, de Goldsmith, Giacchino s’en éloigne désormais plus nettement et trace avec intelligence son sillon. Un peu chiche en arguments pour Spider-Man: Homecoming, le compositeur en avait visiblement gardé sous l’oreiller. Avec Exodus Wondus et The Posse Polonaise, trois excellentes thématiques émergent, deux d’entre elles articulent la bande originale. L’une est une ode à l’évasion, parfois fastidieux voyage ou transcendante course (le furieux The Bad Ape Bagatelle). L’autre, plus intime, nous rapproche de César, parfois de Nova mais surtout du lien indéfectible qui uni la tribu (Apes Together Strong).

Il n’en fallait guère plus pour déjà nous convaincre du caractère indispensable de cette nouvelle composition. Mais avec War for the Planet of the Apes, le musicien franchit un nouveau cap. Quand le magnifique The Ecstasy of the Bold s’amuse sur la forme d’un des titres culte de Morricone, A Tide in the Affairs of Apes en joue sur le fond, avec une finesse et un à-propos stupéfiant. Chaque nouvelle piste est ici un nouveau délice, les thèmes s’entremêlent, rebondissent et se fondent pour nous porter sans mal sur le chemin d’une terre promise (Migration, Paradise Found). War for the Planet of the Apes est un grand film et peut-être encore plus un grand score, sans doute le meilleur de son compositeur.

War for the Planet of the Apes, bande originale à retrouver en physique chez Sony Classical.